Adrien Allain : le Parcours D’un Autodidacte

Adrien Allain

Adrien Allain faisait depuis 3 ans partie de la Team Pro Barrière. Suivant la dégringolade du poker français, on a vu l’équipe peu à peu se réduire jusqu’à ce que la room ferme ses portes le 30 septembre 2013.

Depuis sa première ITM live en 2009, Adrien a mûri, s’est posé et porte un regard sans complaisance sur lui-même, ses illusions perdues et sur le Poker en général.

Bonjour Adrien avant de commencer à jouer tu faisais quoi ?

J’ai d’abord passé un Bac STT Action et Communication Commerciale, mais bon à l’école j’étais plus fort pour faire le pitre et faire rire la classe que pour les études. J’ai eu mon Bac avec tout juste la moyenne, 10,6 et à 18 ans j’ai décidé de ne pas continuer mes études pour… ben pour ne rien faire.

Je n’avais aucun projet, pas d’envie particulière alors j’ai fait des petits boulots sans aucun intérêt. J’ai travaillé dans un supermarché, en restauration et puis mon père à travers ses relations m’a trouvé un poste au Crédit Mutuel, que j’ai plaqué du jour au lendemain pour me lancer dans le Poker.

Justement comment as-tu découvert le Poker ?

Contrairement à ce que j’entends souvent les autres joueurs dire, moi je n’ai jamais aimé les cartes. Je viens d’une famille nombreuses, on est trente petits-enfants, ils jouaient tous à la belote ensemble avec mes grands- parents sauf moi.

Cela faisait deux ans que des potes me tannaient pour jouer au Poker avec eux et j’avais toujours refusé. J’étais à l’époque pas très bien dans ma peau : je sortais beaucoup, picolais pas mal et comme je faisais de la boxe depuis trois ans je faisais mes travaux pratiques en passant mon temps à me bastonner en fin de soirée.

Et puis un soir je me suis fracturé un doigt dans une bagarre, j’ai dû être opéré trois fois en deux semaines, j’ai chopé un staphylocoque doré, bref une vraie galère et un an d’arrêt de travail. J’avais un traitement lourd donc plus d’alcool, plus de fiesta, plus de boxe évidemment, j’étais très fatigué, fauché, bref pas la joie.

A une soirée un pote me raconte qu’il a gagné 190€ en deux heures au Poker et ça m’a fait tilt. Il m’a appris les règles et on a piqué la carte bleue d’un copain ivre mort qui dormait pour cash-in 50€ chacun, qu’on a bien sûr perdu.

Et après tu as commencé à apprendre plus sérieusement ?

Oui et non … en fait je jouais 12 heures par jour puisque je n’avais que ça à faire, mais je ne lisais aucun bouquin et je ne regardais pas de vidéos. J’ai vraiment appris tout seul. J’ai monté 500€ de bankroll mais je faisais le yoyo et n’arrivais pas à décoller.

Et puis je me suis mis au cash-game sur PKR où le niveau était très faible et je suis devenu un joueur gagnant. Je me faisais jusqu’à 500$ par jour et vite j’ai eu une BR confortable.

Jusque là aucun Live mais dès ton premier tu t’en sors bien…

PKR a une communauté de joueurs vraiment sympas. Les 150 meilleurs étaient invités à jouer le PKR Live à Londres et c’est là que je fais ma première TF et que je termine 6e pour 4250$. Je me sentais super à l’aise, tout le monde me disait que je jouais bien, que je devrais continuer le Live.

Un mois plus tard en juin 2009 je gagne un package pour l’APT Macau et au bout des 15 heures d’avion le 20 aout 2009 c’est la gagne avec 391 000$ dans la poche, alors qu’à l’époque je devais avoir 50 000$ de BR.

Et c’est là que tu décroches ton premier sponsor …

PKR m’a contacté et proposé un contrat à 35 000$. J’avais aucune connaissance du marché et cela me semblait vraiment peu. J’ai donc contacté d’autres rooms. Par flemme je ne me suis pas déplacé à Londres pour un rendez-vous avec Betclic, trop loin lol. J’étais vraiment immature à l’époque …

Et chez Winamax Michel Abécassis m’a donné de très bons conseils et m’a remis les pieds sur terre. Il m’a expliqué l’importance de travailler son image, de faire d’autres perfs et du coup j’ai signé chez PKR.
Avec le recul je me trouve super arrogant c’était déjà énorme !!!

Après PKR tu vas signer chez Barrière …

J’ai participé au casting Barrière Poker Player en 2010 et j’ai gagné devant 60 autres joueurs. Un contrat à 120 000€ et le même week-end je fais 12e au BPT Enghien, ça démarrait bien, j’étais vraiment en confiance, sûr de moi.

Début avril je gagne les Cannes Hold’em Series, fin avril je fais 4e à l’EPT San Remo en Live tout va bien. Online je suis aussi en rush et je fais un truc un peu moyen : je change mes pseudos pour continuer à grinder sur d’autres rooms à l’insu de Barrière. A ma décharge c’était l’époque où le soft ramait, c’était horrible.

J’ai gagné plus de 200 000$ en 6 mois et je n’ai pas réussi à tenir ma langue : tout le monde a très vite su que Croustibat et Nano c’était moi et Barrière n’a pas apprécié très logiquement.

Ils n’étaient pas du tout chauds pour me reconduire. Lors d’un déjeuner avec Sylvain Tia ça a été hyper tendu, on s’est embrouillé, je ne comprenais pas assez à l’époque le rôle d’Ambassadeur d’une room.

Il me restait deux mois pour les convaincre de me garder et là j’enchaine une TF aux WSOPE et la win du WPT Amnéville. Du coup ça se passe mieux et on re-signe.

Bon ils n’ont pas eu à le regretter en décembre je gagne à nouveau les Hold’em Series de Cannes et en janvier je me fais le triplé.

Et au sein de l’équipe ça se passait bien ?

Vraiment très bien. Au départ on était nombreux et c’était vraiment le bordel. On avait du mal à se motiver à jouer sur la room, on faisait la fête, on dormait peu. Après on a eu les frères Jeannet pour nous coacher et nous servir un peu de nounous.

Toujours un peu de tension au moment des reconductions, un passage compliqué lors de l’affaire Hallague où Barbara était dans une situation délicate, mais dans l’ensemble vraiment ça s’est bien passé.

Je dois beaucoup à Rémy Biechel qui a toujours essayé de me mettre un peu de plomb dans la cervelle sur les obligations d’un joueur sponsorisé. Yann Migeon aussi m’a beaucoup aidé. Et quand Steven est arrivé c’était génial car on a les mêmes passions.

Quand Barrière annonce la fermeture tu es étonné ?

Extrêmement déçu surtout. Je m’y attendais mais pas juste avant les WSOPE. Dans nos contrats il était bien spécifié que si la room fermait il devenait caduc. On a quand même terminé sur une note sympa puisqu’ils m’ont payé le 10 000€ où j’ai terminé 13e et un side.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’avec les énormes moyens qu’on avait et le soft devenu vraiment top on aurait pu faire mieux. La Team proposait des challenges mais tout était toujours compliqué à organiser. C’est vraiment dommage.

Comment vois-tu la suite ?

Très compliquée la suite. Il y a très peu de places et il est impossible de faire le circuit sans sponsor. J’avoue je suis vraiment fainéant et j’ai du mal à me remettre à grinder, à enchainer les MTT…

J’ai été raisonnable, j’ai acheté deux appartements, j’ai de l’argent de côté… bon là comme un crétin je viens de spew 45 000€ en 4 jours en paris sportifs. Je me mettrai des claques !!!

Et puis il y a le FISC, deux ans que ça dure … ça n’avance pas…une vraie prise de tête!!!

Quel regard portes-tu sur les joueurs brokes à répétition ?

Je trouve ça désolant et je le vis de très près puisque mon petit frère de 21 ans fonctionne comme ça. Il joue très bien, monte des sous jusqu’à 2000 ou 3000 euros, cash out et flambe en cadeaux, fringues, restaus et se retrouve avec même pas de quoi s’acheter un malabar.

Sur le circuit certains ont un style de vie qui les destine à devenir broke. La moindre win et ils s’enflamment, ils flambent, ils montent trop vite de limites… Je ne comprends pas qu’ils ne comprennent pas surtout quand c’est plusieurs fois de suite.

Les colocs de grinders c’est bien joli mais pas forcément propice à une vie stable.

D’ailleurs tu as vu la web-série de Tapis Volant sur PonceP ?

Je trouve le travail de Tapis Volant énorme une fois de plus mais malheureusement il ne se passe pas grand chose, c’est un poil ennuyeux . J’espère que cette série fera comprendre aux jeunes qui rêvent de devenir professionnel que c’est loin d’etre facile. Cette vidéo reflète la réalité quotienne d’un joueur pro.

Et puis le Poker ne rend pas heureux il faut être honnête. En 2011 je gagnais 40 000€ par mois avec toujours un sentiment d’insatisfaction. J’avais les nerfs à vif en permanence, je dormais très mal, je voulais toujours plus : je n’étais pas heureux.

On ne peut pas être heureux à passer 12 heures par jour sur un écran. Il faut apprendre à gérer son temps de la même manière qu’on gère sa BR : strictement.

Le niveau général a augmenté et là où tu passais 3 heures pour gagner 1000€, maintenant c’est 3 heures pour 40€. A un moment je n’avais vraiment plus d’appétit pour le Poker, de la lassitude … Et puis au WSOPE j’ai repris du plaisir, redécouvert l’envie.

Mais bon je suis vraiment un gros fainéant alors j’ai lancé un challenge sur le CP pour me motiver.

Comment ça se passe avec tes potes également sponsorisables, vous êtes en rivalité ?

Pas du tout. Steven, Ronan, Erwann, Quentin sont des mecs sains pas comme 85% de joueurs qui se prennent au sérieux. Quand l’un de nous perf ou trouve un sponsor on est sincèrement content pour lui.

C’est sûr qu’on cherche tous à trouver ou retrouver un contrat d’ambassadeur pour une room. Moi je suis un gambler, je n’ai pas envie d’avoir une vie plate. J’ai mûri, compris beaucoup de choses, j’ai pas mal de visibilité, une bonne image, je suis actif sur les réseaux sociaux et je pense que je serai à ma place pour représenter une room.

Et tes proches vivent comment ta carrière de joueur ?

Mes parents au départ n’ont pas du tout apprécié ma démission de la Banque. D’ailleurs pour l’anecdote mon directeur m’avait dit que j’allais m’en mordre les doigts. Quand mon conseiller est allé le voir en lui disant tiens tu as un nouveau riche dans ton portefeuille client, Adrien Allain il était sur le cul. Depuis ils suivent toutes mes perfs

Pour revenir à mes parents, quand ils ont compris que j’étais raisonnable et vu que j’investissais mes gains ils étaient rassurés.

Ma copine du temps de Barrière me trouvait trop absent, depuis qu’elle m’a sur le dos H24 elle n’a qu’une hâte c’est que je reparte.

L’avis le plus important est celui de mon chat Nano. On a deux chats à la maison : Titi le chat de Laura il sert à rien, Nano le mien c’est le plus beau et il m’a dit : continue !!!

Pour moi les chats ont toujours raison et comme Nano j’espère bien pouvoir continuer à suivre les exploits d’ Adrien sur le circuit international.

Mama Bijoux