Greg Ceran Maillard : Une Nounou D’enfer

Greg Ceran Maillard

Si les joueurs sont les acteurs de PokerLand les plus mis en avant, notre petit monde est peuplé de personnages clés, qui travaillent à différents niveaux dans l’industrie du Poker.

Croupiers bien sûr mais aussi organisateurs, couvreurs, logisticiens, communicants etc … Aujourd’hui nous allons nous intéresser à un Team Manager en la personne de Greg Ceran-Maillard la nounou de la Team PMU Poker.

Son parcours des stades aux casinos, son rôle au sein du PMU, ses relations avec les joueurs, vous saurez tout sur Greg et sur son métier.

Du Parc des Princes aux Paddocks

Greg voit le jour en 1967 à Paris, juste derrière le Parc des Princes, ce qui peut être attribué à un signe du destin comme nous le démontrera l’avenir.

Il vivra une enfance rurale placée sous le signe de l’équitation, en Eure et Loire dans la petite commune de Guainville.

Chez lui on est éleveur de chevaux de père en fils : son grand père  a remporté 3 grand prix d’Amérique en 1955 sur Fortunata II et avec son cheval Ovidius Naso il s’est imposé deux années consécutives à Vincennes en 1945 et 1946.  Son père a gagné le 1er tiercé en 1954

Le petit Greg passe son temps entre la petite école communale de 3 classes peuplée par 80% d’enfants d’agriculteurs et le haras paternel de 60 chevaux. A l’école ça se passe bien, il est bon élève et se tire la bourre avec le petit-fils du célèbre chef d’orchestre hongrois György Cziffra , fils de Georges Cziffra lui aussi pianiste et chef d’orchestre, qui  périra tragiquement en 1981 dans l’incendie de sa maison.

Greg est fils unique mais loin d’être solitaire :” J’ai eu plus de frères et soeurs que tout le monde.” En effet entre les apprentis, les futurs jockeys, le domaine familial ne désemplit pas.

On était comme une grande famille. Tout le monde vivait ensemble. Dès que j’étais hors de l’école, j’étais dans les écuries avec les chevaux et les week-ends sur les champs de courses. J’ai commencé à driver très tôt et je pense que mon père aurait aimé que je lui succède, tout en appréhendant que je sois moins bon que lui. Lui était très bon jockey et a gagné plus de 1000 courses. Difficile de porter un nom connu dans le milieu des courses si c’est pour être médiocre. En plus je suis grand, pas léger donc pour moi c’était l’attelé. Je n’ai finalement jamais pris ma licence…

Retour à Paris

Entre école, chevaux, un peu de tennis et du foot, Greg arrive au collège. Ses parents ont un appartement à Paris dans le 12e arrondissement et il intègre la très sérieuse école privée : Saint Michel de Picpus.

Au niveau scolaire ce n’est plus vraiment ça, et son ambition de devenir Vétérinaire s’éteint avec son redoublement en Première S et l’obtention d’un Bac D (NDLR : Biologie et Maths).

Très tôt Greg vise son indépendance : il a 16 ans et prend son propre studio, financé par des petits boulots. Moissons, vendeur d’appareils photo en duty free à Orly et puis un stage chez Ranx Xerox comme commercial de base. Il gagne le challenge jeune vendeur et décide d’intégrer une école de commerce : l‘European Business School.

C’est un cursus de 4 ans avec ce qu’ils sont les seuls à faire à l’époque : un an à l’étranger avec 6 mois en Espagne et 6 mois à Londres. Un accident de moto et c’est un mois d’hôpital et trois mois de plâtre et il loupe son passage en 3e année pour 0,5 points, le Directeur ne lui accordant aucun traitement de faveur. Il décide de redoubler en Angleterre pour rester avec sa promo et termine finalement diplômé et en France et au Royaume Uni.

Il ne sait toujours pas très bien ce qu’il veut faire et travaille un temps comme Chauffeur de Maître pour une petite société, trimballant des personnalités du Show-Biz et des japonais :

C’était marrant ça comme job. Une fois j’ai trimballé un Chef d’Orchestre japonais entre les Châteaux de la Loire, cannes et Paris et comme il s’ennuyait tout seul, il m’invitait à sa table et j’ai grâce à lui fait la tournée des restaurants gastronomiques à 20 ans.”

Début de carrière

Après avoir envisagé de monter sa propre société de chauffeurs en Espagne, il assiste à une conférence de marketing et communication sur le thème : Olympisme et Sponsoring. Et là c’est la lumière : c’est ce qu’il veut faire. Il envoie un CV à l’intervenant et le harcèle régulièrement au téléphone pour obtenir un poste dans ce domaine.

La société ISL Marketing détient tous les plus gros contrats de l’époque : FIFA, JO, UEFA, un quasi- monopole. C’est dans le Patinage Artistique que Greg obtiendra son premier contrat : il se retrouve en charge de la patineuse Katarina Witt. Il s’occupe d’elle 15 jours pendant les Masters Miko, mais le patinage c’est vraiment pas son truc.  9 mois plus tard, il quitte ISL pour organiser son premier évènement avec un ami au Palais des Sports de Gerland

Le patinage ça me gonflait et un pote, Jean-Gilles Soupeaux, qui faisait partie de l’organisation des tout premiers Dakar avec Thierry Sabine me propose de monter avec lui une compétition de Jet Ski. Tout se passe bien , la Fédération Française valide ces 1ers championnats du monde indoor et en avant. Lors de la soirée on commence par un incendie du stand de notre partenaire Hagen Dahz avec l’hôtesse tombant à l’eau, pour finir avec une fuite des installations et le stade inondé… Pompiers, assurances et tout le tralala.”

Mais après cette mésaventure la chance lui sourit à nouveau, enfin à moitié :

Mon ex-futur Boss m’apprend qu’il est en négociations avec des équipes de foot et que le premier club qu’il signera sera pour moi. Il me parle de Montpellier cool au soleil, de Caen ma région d’origine et de Valenciennes et là c’est beaucoup plus bof. Ce sera évidemment le Nord et je pars là-bas de 1992 à 1994 comme directeur Commercial. La ville est triste, glauque, le stade a 50 ans, mais l’ambiance est géniale, le Club vient de monter en Première Division et tout est à faire.

Je me retrouve en mai 93 en plein dans l’Affaire OM-Valenciennes. Au départ je ne comprends rien, je vois un joueur en larmes après une interview : c’est  Jacques Glassmann le joueur qui vient de tout balancer à la Presse. C’est le gros bordel  on descend en 2ème division et on vivra une saison horrible : on se fait caillasser, insulter, le Club redescend à nouveau et est même rétrograder en CFA. Mon contrat se termine en 1994.”

Après un détour dans le Basket au Levallois Sporting Club, Greg se baladera dans les plus grands clubs de foot : le Barca, l’AS Roma, le Standard de Liège, l’OM, Saint Etienne, Lille, Metz, le Havre, Sochaux, manque juste son club de coeur à son palmarès : PSG.

Retour à Valenciennes

En 1999 Havas rachète la société ISL et les choses se passent moins bien :

Je réussis à faire signer un énorme contrat à la boîte pour un nouveau sponsor maillot  et ils refusent de payer ma commission jugée trop importante. Contrat non honoré égal Prudhommes. Bien sûr ils n’apprécient pas et je me retrouve dans un placard avec des stagiaires à vendre des packages à 300€  pour Rolland Garos. Je m’emmerde terriblement et un collègue de boulot un certain Grégory Chochon joue au Poker sur son PC. On est en 2004 et je ne connais que le poker fermé à 5 cartes. J’ouvre un compte sur PS et je commence à jouer online.

Je finis par quitter Havas en ayant trouvé un accord à l’amiable et je monte ma propre boîte à destination des petits clubs.

J’ai gardé de bonnes relations avec Valenciennes, on est le 1er juin 2005, le club doit monter en Ligue2, ils sont un peu perdu car leur Directeur Commercial les a quitté 2 mois avant la reprise du Championnat, rien n’est prêt et finalement je signe le 15 juin un contrat de Régie Marketing avec eux. 

De 2005 à 2010 je resterai là-bas avec une super équipe aussi bien sur le terrain que dans les coulisses. Champion de Ligue 2 la 1ère saison, montée en Ligue1, on a commencé à avoir de vrais budgets : un vrai challenge réussi, une belle aventure humaine, une chance inespérée.”

Et puis changement de Président au sein du club et Greg sent le vent tourner :

Plus la même ambiance, je sens que ça va pas le faire et je préfère partir un an avant la fin de mon contrat en bons termes. Je réfléchis à prendre une nouvelle direction et de plus en plus passionné par le Poker j’ajoute à ma société l’organisation d’évenementiel Poker à destination des entreprises.Je joue moi-même en parties privées amicales  avec les joueurs de VA et le 1er soir de la régulation par l’ARJEL je suis au Pasino de St Amand. Je joue en cash et puis des petits tournois, et aussi un peu online.

Je me retrouve à gagner l’Enfer du dimanche sur Partouche en HU contre Alain Roy, qui sera victime d’une déconnexion prolongée. C’est à ce moment-là que je décide de devenir Agent de joueurs et je pars à Prague pour rencontrer  du monde. Alain est au bar et raconte à un ami le bad qu’il s’est pris en étant déconnecté du tournoi : je vais le voir et lui explique que c’était contre moi, on en rit, on sympathise.

Je rencontre aussi Pascal Perrault par l’intermédiaire d’un copine qui n’est pas satisfait de ses rapports avec son sponsor de l’époque et je signe un contrat avec lui. J’ai une vingtaine de joueurs dans mon écurie, j’en placerais une dizaine en toute discrétion : c’est ma manière de travailler je suis là pour vendre le joueur pas pour faire parler de moi ou de ma société.

C’est Party !!

Pas très rémunérateur comme job, Greg est en recherche et est finalement sollicité par deux cabinets de recrutement : on lui propose d’un côté Full Tilt et de l’autre Party Poker. Il va de l’Ile de Man à Gibraltar pour des entretiens, son coeur balance, mais il doit prendre une décision rapide et ce sera Party Poker.

C’est l’histoire de ma vie professionnelle : des opportunités, des coups de chance, de l’instinct…Je travaille avec Hermance Blum qui sera une super rencontre. Mais le travail au quotidien avec des anglais n’est pas simple  et je continue en parallèle mon travail d’agent. Je place des joueurs chez PMU et j’apprends que Stéphane Auffret lance un appel d’offre pour gérer cette toute nouvelle Team PMU : s’occuper des joueurs, de la logistique, des relations presse, des réseaux sociaux.

Nous sommes deux agences sur les rangs et mon concurrent que je croise lors d’une première réunion pense avoir remporté le marché alors qu’il n’y a encore eu aucune annonce officielle. Je contre-attaque revois un peu ma proposition et rend une nouvelle copie à 17H le même jour et à 21H je peux ouvrir le champagne : contrat de 2 ans avec PMU.”

L’Aventure PMU

Greg m’explique en quoi consiste exactement son boulot : ” Il y a plusieurs facettes. Une partie purement matérielle, où je gère la logistique de la Team : déplacements, hébergements, buy-in, comptabilité et administratif.  Il y a aussi la partie coverage : avant nous étions une équipe de trois avec Pierre Barnasson et Caroline Darcourt, mais hélas les budgets ont été revus à la baisse et je suis maintenant seul, sauf gros tournoi. Pierre a été ma plus belle rencontre dans ce milieu : j’ai passé la moitié de ma vie pendant 3 ans avec lui et ça a vraiment été un rêve. C’est un mec génial, vrai. Il a plein de projets sur le point d’aboutir au Brésil et il va partir vivre la bas.

Enfin il y a la gestion humaine. Aucun rôle de conseil technique mais des morals à remonter, des enthousiasmes à calmer, la préparation psychologique des joueurs, pendant le tournoi l’observation des adversaires, repérer des tells sur eux mais aussi sur nos joueurs. 

Je ne pensais pas retrouver  les mêmes sensations en cas de victoire que dans le foot, mais en fait tu vis la moitié de l’année avec eux, c’est Ta Team, Ton joueur, on travaille ensemble et on partage de vraies émotions ensemble.

J’ai aussi un rôle dans la communication de la Team : on représente une marque, c’est un petit milieu et l’attitude aussi bien aux tables que sur les réseaux sociaux doit être irréprochable”

Mercato et changement de Team

De l’extérieur la Team PMU a toujours semblé solidaire, complice, festive. Depuis le départ des joueurs historiques de la Team et l’arrivée de sang neuf, des mots très durs ont été prononcés sur Greg notamment par Jean-Philippe Rohr. Greg ne comprends pas bien les raisons de cette animosité à son égard :

J’aimerai bien comprendre ce que je lui ai fait, je n’ai aucune explication concrète. La dernière année a été assez difficile. Au début tout était rose, au bout de 3 saisons l’ambiance s’est un peu tendue. On a à faire à des caractères forts et il faut gérer ça. C’est une donnée que l’on avait pas assez appréhendé pour la première team : le vivre ensemble. Et puis quand il y a moins de résultats ça crée de la tension et beaucoup moins de partages.

J’ai fait mon boulot avec lui comme avec les autres, il faut un coupable quand ton contrat n’est pas renouvelé, il a décidé que c’était moi. Les fins de contrat sont toujours une période difficile.”

A-t-on des chouchous quand on est Team manager ?

Des chouchous non, mais il y a des atomes crochus dus à l’âge ou au vécu. J’ai par exemple même passé des vacances avec un de mes joueurs avec femmes et enfants. Maintenant je suis aussi heureux quel que soit celui de mes poulains qui perfe.

Je ne suis bien évidemment pas décisionnaire dans les décisions de reconduction des joueurs. A chaque fin de tournoi je remets mes observations à PMU : résultats, moral, attitude des joueurs. La première version de la Team a parfaitement rempli ses objectifs, mais la clientèle de PMU s’est rajeunit et il fallait renouveler l’équipe d’après de nouveaux critères”

Beaucoup de jeunes et talentueux joueurs étaient sur les rangs pour intégrer l’équipe PMU, Ilan Boujenah ou Steven Moreau par exemple. Greg faisait partie du jury pour déterminer le meilleur candidat, en termes d’adéquation d’image.

“On avait 8 ou 9 candidats pour une place, tous sur un pied d’égalité. On avait des critères précis et aussi des impressions plus subjectives. Les présentations des candidats faites, certaines très pros, d’autres moins, deux ont vraiment émergé du lot : Erwann et Brian. On s’est dit que le tandem fonctionnerait bien, qu’ils étaient complémentaires et on a gardé les deux, ça nous a paru une évidence.

Brian a un très gros potentiel et est très apprécié dans la communauté, Erwann est encore très jeune, il a beaucoup de talent et va apprendre à communiquer moins à chaud. Il a des résultats, un sponsor, cela suscite des jalousies et les gens sont comme ça : ils lui pardonneront beaucoup moins de choses.

Et la suite …

Greg reconnait que le marché est en berne, mais se réjouit des bons résultats d’affluence au DSO et aux FPS, qui prouvent que ça ne va pas si mal que ça :

Il est sûr qu’avec la variance, les joueurs vont de plus en plus préférer pour le prix d’un EPT se payer 3 ou 4 tournois plus modestes. Les Etats-Généraux du Poker que Philippe veut mettre en place sont une très bonne chose. Il faut ajuster les calendriers : Borgota en même temps que l’EPT c’est un peu con. Deauville en janvier faut avoir envie : il n’y a rien à faire, tout est cher et alors que la ville serait morte à cette époque sans le Poker, ils nous assassinent avec des tarifs hôteliers rédhibitoires et le plat de pâtes à 45€ !!  Il faut revoir tout ça avec de vrais représentants.

Quant à mon propre avenir j’ai des idées. Je n’envisage pas de travailler dans le Poker avec une autre room que PMU en France en tout cas: je m’y suis énormément investi et toute l’équipe PMU.fr est extraordinaire. Je pourrai envisager de m’expatrier…. J’ai adoré Miami par exemple. Ma femme est fille d’un sportif de haut niveau et donc habituée à ce type de vie nomade, quant à mes deux filles de 10 et 13 ans, elles aussi m’ont toujours connu en déplacement et trouveraient ça limite anormal de m’avoir toujours sur le dos

Le mot de la fin à deux des poulains de Greg, un nouveau et un “ancien”

Philippe Ktorza :

Greg tu es pour nous notre Maman du poker , tu t’occupes de nous , tu écoutes nos maux , nos pleurs, nos désillusions , tu partages nos joies, nos rires et nous soutiens sans limites  , Merci Maman

Brian Benhamou :

J’ai rencontré Greg lors de l‘ACF poker tour en 2012, nous avions sympathisé suite à notre TF commune ou il avait fini sur le podium!! Pendant une pause, il m’avait donné quelques conseils pour ma carrière. Je les ai bien évidemment suivi et aujourd’hui c’est devenu mon Team manager, mais aussi un ami sur lequel je peux compter à tout moment. Je suis vraiment très fier d’être un de ces “poulains”!!!

Mama Bijoux